samedi 13 octobre 2007

[Oldies] Erma Franklin – Soul Sister (1969)

Quand on réfléchit bien, les années 60/70 sont en tous points semblables aux années 2000 : des artistes qui trustent les premières places des charts et une ribambelle de groupes peu ou pas connus qui sortent des albums qui ont tout pour devenir des classiques mais qui n’obtiennent pas la reconnaissance du public à cause de campagnes de promotions défaillantes et/ou inexistantes et tombent dans l’oubli de l’histoire de la musique avant de, parfois, retrouver la lumière du jour grâce à quelques complétistes passionnés.

La différence aujourd’hui reste toutefois qu’il est beaucoup plus facile de dénicher les pépites oubliées qu’il y a 40 ans. Internet est passé par là. Et a définitivement tout changé. Imaginez : il y a encore quinze ans, qui aurait eu l'occasion de mettre la main sur le second et dernier album d’Erma Franklin, passé à la postérité pour une poignée de chanceux en 1969 ? Pas moi en tout cas. Ce 'Soul Sister', je l’ai découvert via un sujet « Black Music » sur un forum composé de passionnés. Et dès les premières notes, j’en suis tombé amoureux.

Comment un tel disque n’a-t-il pas pu marcher ? Où le bât a-t-il blessé ? Du fait de la trop grande aura de sa petite sœur Aretha, grande chanteuse soul devant l’éternel? Parce qu’Erma Franklin enchaîne les reprises (dont une qui a du chien de Light My Fire des Doors) les tournants à sa sauce en évitant de remplir son album de compositions originales ? Parce qu’elle a osé toucher à Son of a Preacher Man, titre magnifié par Dusty Springfield la même année, dont elle sort pourtant une version d’une classe édifiante ? Parce que la concentration, à l’époque, de ce genre d’albums était beaucoup trop forte et que certain(e)s ont du, bon an mal an, se mettre sur le côté pour laisser passer les grosses locomotives lancées à toute vapeur ? Ou plus simplement parce qu’elle avait signé sur un label – Brunswick pour ne pas le nommer – qui ne savait pas (les fous !) comment promouvoir ce genre de musique ?

Un peu tout ça à la fois en fait. Et pourtant. 'Soul Sister' est un bien beau disque et qui mérite mieux que de garnir les fonds de tiroirs de l’histoire de la musique noire américaine. Peut-être pas un album essentiel, peut-être pas un chef d’œuvre. D’autres on fait mieux. Certainement.

Mais tout de même. 'Soul Sister' est un régal pour les oreilles. Bizarrement, plus que l’organe vocal d’Erma Franklin (qui ne se détache pas des canons de l’époque même s’il reste dans le très haut du panier), c’est surtout la musicalité, les arrangements et la production du disque qui frappe : un piano dans tous les coins, des cuivres qui s’embrassent pour ne former qu’un seul et même son, des chœurs d’une justesse affolante.
C’est tout cela à la fois Erma Franklin : de la soul, du rythm'n'blues, des ballades soulful, des tubes pleins la besace (You’ve Been Canceled, voir plus bas) et une pincée de funk pour donner encore un peu plus de goût.

Juste une artiste, peut-être pas du niveau d'Aretha, au talent indéniable et qui savait s’entourer. Décédée dans presque l’anonymat le plus complet en 2002, Erma Franklin a emporté avec elle son petit moment de gloire à elle - elle fut la première interprète de Piece of My Heart, titre qui deviendra LE tube de Janis Joplin - ainsi que ce 'Soul Sister'. Un disque pas essentiel mais vraiment attachant. Le genre de petites douceurs qu’on aime écouter de temps à autres. Et même plus souvent que cela.

Première sortie: 1969 (Brunswick)
Réédition: 2003 (Vampi Soul)

Allez, histoire de faire les choses bien, trois morceaux: By The Time I Get to Phoenix, You've Been Cancelled et Change My Thoughts From You. Parce qu'il faut célébrer Erma Franklin. Trois bijoux que beaucoup, hier comme aujourd'hui, auraient aimé chanter.



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